Comme c’est intéressant ! Edel MAEX

Intéressant est ici le mot magique. Prenons un exemple. Vous portez attention à votre respiration. Vous constatez que vous êtes distraits et vous pensez « Je ne peux y arriver.. Je ne réussis jamais »…Vous portez d’emblée un jugement sur vous mêmes. Intéressant !.

Plutôt que de vous identifier à cette disposition d’esprit, vous remarquez votre perfectionnisme et le jugement que vous portez sur vous-mêmes. Intéressant !

Il est possible que cela vous arrive souvent. Peut être cette disposition d’esprit est elle à l’origine de certains de vos problèmes. Ils vous sont servis ici sur un plateau d’argent, accompagnés d’une loupe.

Peu importe ce qui vous arrive, apprenez à vous répéter moment après moment : « c’est intéressant ! » Apprenez à regarder sans jugement. Vous découvrez ainsi un nouvel éclairage sur vous-mêmes et sur le monde que vous vous créez.

Plutôt que de vous identifier à vos dispositions d’esprit spontanées, vous pouvez simplement les regarder, de l’extérieur. Vous pouvez prendre de la distance par rapport à elles, être en accord ou en désaccord avec elles. Peut être est il inutile de porter un jugement sur vous-mêmes. Peut être qu’une position de bienveillance convient davantage. Nous ne sommes ni nos pensées, ni nos sentiments et nous ne sommes pas non plus les dispositions d’esprit que nous adoptons. Se rendre compte de cela nous apporte une liberté bien plus grande que celle que nous imaginions. »


Extrait du livre d’Edel MAEX, « Changer son regard grâce à la méditation », De Boeck, p. 33

JOUER

Nous ouvrons ici une nouvelle perspective. Aussi longtemps que vous faites un avec votre disposition d’esprit, aussi longtemps que vous êtes lié fermement à des formules telles que « c’est ainsi » ou « je suis comme ça », il n’y a pas de perspective, pas d’issue. Votre attitude est alors un carcan qui vous opprime sans que vous sachiez comment ni pourquoi.

Combien de personnes sont trop dures avec elles mêmes, jusque dans leur cœur ? Combien sont prisonnières de ce carcan ? Tous les exercices de pleine conscience vous invitent à une « attention ouverte et bienveillante ». Sans cesse, ce message est répété : bienveillance, bienveillance, bienveillance !

Cette invitation peut faire apparaître subitement, douloureusement, un certain endurcissement de votre cœur. Avant cela, vous ne vous étiez aperçu de rien ; vous êtes vous-mêmes c’est tout. Mais, en réalité, vous n’êtes que ce que vous vous êtes habitué à être… Si vous êtes habitué à recevoir des coups, cela devient normal pour vous – vous vous endurcissez.

L’invitation réitéré à la bienveillance rend attentif précisément par la répétition, à ce qui jusqu’alors vous semblait normal : vous manquez de bienveillance envers vous-mêmes.

Réaliser votre manque de bienveillance envers vous-mêmes est une chose. Vient ensuite cette idée, votre conviction : « je suis ainsi… j’ai été éduqué ainsi..je suis incapable d’être bienveillant envers moi-même… je ne m’en sens pas capable ». Beaucoup de personnes découvrent rapidement que la notion de bienveillance envers soi même leur est totalement étrangère. La dureté apparaît comme un inévitable carcan, qui appartient à leur identité : « je suis ainsi »…

Une fois que vous en êtes là, vous pouvez commencer à « jouer ». Jouer dans les deux sens du terme : comme jouent les enfants, mais aussi dans le sens de tenir un rôle. Vous pouvez expérimenter plusieurs comportements. Vous pouvez les tester, l’un après l’autre..

Certaines dispositions d’esprit vous semblent davantage aller de soit. Elles vous paraissent bien connues : vous avez toujours agit ainsi, sans vous y arrêter. Une autre attitude semble alors impossible, totalement étrangère à vous-même, incongrue. Pour certaines personnes, par exemple, une attitude de colère est inconcevable ; elles ne s’y reconnaissent pas, elles ne peuvent entrer en contact avec cette colère. Elles sont alors étonnées de découvrir leur propre colère, dont elles avaient ignoré l’existence.

Le piège, ici, est de penser : « ce n’est pas vraiment moi » ; penser que « jouer un rôle » entraine quelque chose de faux. Mais pourquoi le carcan dans lequel vous êtes enfermé serait il plus vrai que les autres attitudes possibles ? En adoptant un comportement de colère, en acceptant une attitude de bienveillance, en jouant avec ces dispositions d’esprit diverses, vous nouez en fait des liens et optez pour davantage de liberté… »

Extrait du livre d’Edel MAEX, « Changer son regard grâce à la méditation », De Boeck, p. 29

Conseils pour l’assise – Charlotte JOKO BECK

1 – Ne vous asseyez jamais sans vous demander pourquoi vous vous asseyez. Sachez quelle est votre intention. Sachez que vous ne pouvez aller nulle part et qu’il n’y a rien à atteindre. Attention aux buts ambitieux.
2 – Contrôler votre posture. Quelle qu’elle soit, elle doit être droite (mais pas tendue), en équilibre et confortable. L’endroit où vous êtes assis doit être beau et agréable, mais nous pouvons nous asseoir partout et dans toutes les positions (même allongés, si nous sommes malades ou épuisés)
3 – Asseyez-vous chaque jour. N’omettez pas plus d’un jour par semaine. Quand vous sentez de la réticence (ce qui fait partie intégrale de la pratique), soyez conscient que cette résistance est produite par vos pensées. Ne vous laissez pas dominer par elle, pas davantage que par d’autres pensées. Regardez la simplement. Sentez-la dans votre corps. Ne vous reprochez rien, jamais.
4 – Asseyez-vous une fois par semaine 10 à 15 mn plus longtemps que d’habitude.
5 – Que l’assise ne devienne pas une obsession. En aucun cas, votre travail ou votre vie de famille ne doivent en souffrir.
6 – Si vous êtes bouleversé par quelque chose, n’évitez pas de vous asseoir.
7 – Sachez que vous asseoir n’est rien d’autre qu’être conscient de votre corps et de votre esprit. Soyez conscient de tout souhait de faire de l’assise une fuite de la vie dans l’espoir de connaître des états d’exaltation ou de sérénité. Ces états sont tentants mais n’ont aucune utilité.
8 – Sachez qu’après les années de pain blanc du méditant débutant suit une période de résistance qui s’accompagne peut être d’opposition et de réactions émotionnelles. Continuez simplement vos exercices. La confusion, la désillusion ou la peur en font normalement partie.
9 – Soyez conscient qu’il n’y a rien à atteindre, comme par exemple une clarté spéciale, du discernement ou un esprit calme. Toutes ces choses peuvent
apparaître mais ce n’est pas le but. Il s’agit ici d’être conscient de ce qui se passe, y compris de la confusion, de la désillusion ou de la peur.
10 – Garder votre pratique pour vous-mêmes. N’essayez pas de convaincre les autres ou de les convertir. N’énervez pas votre famille ou vos amis. Un vieux proverbe dit : « Qu’ils demandent trois fois… ». C’est votre manière de vivre que vous pouvez offrir aux autres.
11 – N’utilisez pas le temps de l’assise pour faire des plans, il n’y a pas de mal à ébaucher des plans, mais faites-le à un autre moment. Si de telles pensées surviennent, nommez-les.
12 – Soyez particulièrement attentif dans votre vie quotidienne aux bavardages, aux plaintes, aux jugements sur vous et sur d’autres, aux comparaisons positives ou négatives avec les autres.
13 – Toute la pratique peut se résumer ainsi :
Observer le mental et faire l’expérience de votre corps ici et maintenant. Ni plus, ni moins.
14 – En finale : songez au fait que la vraie pratique ne consiste pas en une technique, en koans ou dans un but quelconque. La vraie pratique concerne la transformation de votre vie et de la mienne. Il n’y a pas de solution instantanée. Il ne s’agit de rien d’autre que de notre vie et notre pratique ne finit jamais….
ETRE RELIE
Vous méditez toujours seul. Même si vous méditez en groupe, vous êtes seul.
Vous ne méditez jamais seul. Même si vous êtes seul pour méditer, vous êtes relié à des générations de personnes qui ont fait tout cela avant vous, avec les personnes qui le font maintenant, avec chaque être qui en en état de sentir, de goûter…

Tumultes : une réflexion autour de la paix – Jack KORNFIELD

Dans nos sociétés modernes, toutes les générations ou presque, sont affectées par de graves évènements, qu’il s’agisse d’assassinats, de guerres ou encore de crises politiques. Elles font aussi face à d’importants défis, qu’ils soient économiques ou environnementaux. Et quand l’avenir se montre incertain, le climat politique peut exacerber les tensions. Le critique social et journaliste du début du vingtième siècle H.L Mencken écrivait d’ailleurs : « L’objectif du corps politique est de maintenir les citoyens en état d’alerte, pour qu’ils réclament que soit assurée leur protection contre une multitude de dangers, dont la plupart n’est souvent que le produit de l’imaginaire collectif ». Nous sommes encouragés à être dans la crainte. Quand les évènements graves se produisent, il est normal de ressentir de la peur ou de la colère, de s’inquiéter pour son avenir ou celui des plus vulnérables autour de soi. En étant à l’affût, il est possible de remarquer une montée des inégalités, du racisme, des dégâts environnementaux, de l’homophobie, du sexisme, ou d’une multitude d’autres injustices.

Mais en réalité, ces défis sont les opportunités que l’humanité peut saisir pour avancer. Comme l’indiquait Ralph Waldo Emerson : « Les gens veulent mener une vie stable, parce que dans l’instabilité, l’espoir est rare ». Comment trouver la paix quand on traverse ces périodes difficiles ? En commençant d’abord par soi ; par prendre conscience de la façon dont nous gérons nos propres corps.

En situation de danger, quand notre système limbique active l’un des trois modes suivants : combat, fuite ou immobilisation ; nous nous en remettons à notre instinct de survie. Notre cerveau reptilien prend les commandes et notre néocortex, quant à lui, se limite à nous rappeler nos expériences passées. Des vagues de stress viennent alors nous submerger et nous anticipons ce qui va suivre. Quand les temps sont difficiles, ces vagues de peur et d’anxiété vont et viennent. Nous ne savons alors pas dire si la situation est en train de se dégrader ou si en réalité, nous prenons simplement conscience de la mesure des choses.

Alors comment réagir pour être constructif ? Simplement en étant là, ici et maintenant. En se connectant à son cœur. C’est là que l’amour, la sagesse, la grâce et la compassion résident. Avec une attention bienveillante dirigée vers soi, se demander ce qui compte le plus pour soi. Oui, les pensées angoissantes nous habitent, les deuils, les traumatismes aussi font partie de nous, mais il est conseillé de ne pas les laisser envahir son cœur. Prenez du temps pour apaiser votre esprit et vous tourner vers ce cœur. Sortez et levez les yeux pour observer le ciel. Inspirez et ouvrez-vous à l’immensité de l’espace autour de vous. Observez le mouvement : le cycle des saisons, l’essor et le déclin des dynasties, les ères de l’Histoire. Expirez et plongez dans votre conscience bienveillante. Pratiquez l’équanimité, soyez stables. Prenez exemple sur les arbres ; soyez ce point d’ancrage au milieu de tout le reste.

Thich Nhat Hanh nous rappelle que par les temps incertains, notre stabilité peut être un réel refuge pour les autres. « Quand les embarcations bondées des boat-people croisaient la route de pirates ou se trouvaient prises dans des tempêtes, si tout le monde avait paniqué, tous auraient été perdus. Mais il suffisait d’une seule personne, que celle-ci garde son calme et reste centrée, pour que le bateau ne chavire pas ; la voie de la survie était montrée à tous. »

Il y a 2000 ans, Rabbi Tarfon disait : « Ne vous laissez pas décourager par l’immensité des peines du monde. Vivez en étant juste, embrassez la compassion et marchez humblement à cet instant. Bien sûr, il n’est pas attendu que vous sauviez le monde, mais vous avez le devoir de rester concerné, de ne pas abandonner. » En cette période difficile que nous partageons, faisons avant tout de notre cœur, un espace de paix. Et ensuite, avec le courage et la tranquilité, nous pourrons agir, parler, aider ceux dans le besoin, dialoguer avec les autres, s’engager en politique, apporter de la nourriture à ceux qui ont faim, porter de l’attention aux plus vulnérables, contribuer au grand tout.

L’écrivain Clarissa Pinkola Estes le disait : « Nous n’avons pas le devoir de guérir le monde entier sur le champ, mais nous avons celui d’essayer de faire ce qui est en notre pouvoir ». Ensemble, avec de la compassion pour ceux qui nous entourent, nous pouvons nous retrousser les manches et marcher en quête de cette vérité.

Traduction de l’anglais par Héléna Henry – 22/12/18

Comment continuer la pratique de la méditation après une session MBSR ? Marie Pierre CAMPANT

Le groupe MBSR propose une progression guidée dans la découverte de la pratique de la méditation assise pour finalement arriver à une pratique quotidienne en autonomie. Pour agrémenter cette transition de fin de groupe, qui est parfois un peu délicate pour certains, je vous propose quelques rappels ou éléments importants :

1 – Créer un espace extérieur pour favoriser un espace intérieur.

La création de ce lieu paisible peut changer du tout au tout l’ambiance de votre logement.

Votre coussin de méditation (zafu) doit être assez épais et assez ferme pour que vous vous sentiez bien (préférez un bourrage en balle d’épeautre plutôt qu’en kapok). Vous pouvez aussi opter pour un banc de méditation en gardant le dos droit. Un zabuton (tapis de méditation) peut vous permettre d’être plus confortable. Il est tout à fait possible sinon de méditer sur une chaise.

La stabilité de votre posture est le point le plus important. L’essentiel est d’être confortable, dos et nuque droits mais pas rigides, sans appui, dans une attitude digne. Votre posture reflète votre attitude au monde…

Vous pouvez créer un petit autel avec des objets qui vous inspirent : une bougie, une photo de nature ou d’un être cher ou inspirant, un élément de la nature, des fleurs, un cristal… Vous pouvez embaumer ce lieu avec un diffuseur d’huiles essentielles… en transformant votre lieu en un espace sacré qui vous donne envie de vous poser, et de vous connecter à vous-mêmes en profondeur, avec un sentiment de gratitude ou de paix…

2 – Quelques exercices corporels aident à préparer son assise (yoga couché ou debout, yantras de positionnement, auto massages…)

3 – Déterminer combien de temps vous vous fixez :

Il est important de ne pas être trop ambitieux au départ. L’idéal est une pratique d’au moins 20 mn quotidienne, en se libérant du temps sans esprit de culpabilité… Il vaut mieux s’asseoir 3 fois 5 mn dans la journée plutôt que pas du tout. Il vous est possible de faire des pauses avec la marche méditative.

Des applications sur votre téléphone comme « Mindbell» ou « Medigong » vous permettent de paramétrer le temps de votre pratique avec 3 sons de cloche au début et à la fin. L’application « Insight timer » vous permet de méditer virtuellement avec d’autres, que ce soit votre voisin ou d’autres personnes dans le monde entier.

« Rappelez-vous que vous ne méditez jamais seul. Même si vous êtes seul pour méditer, vous êtes relié à des générations de personnes qui ont fait cela avant vous, avec les personnes qui le font maintenant… »

4 – L’importance de la pratique quotidienne :

Si vous avez une chose très importante vous y penserez toujours, il en est de même pour la méditation.

Asseyez-vous pour le simple plaisir d’être assis ; il n’y a aucun but à atteindre… comme par exemple un esprit calme, une clarté spéciale… Cela peut arriver mais ce n’est pas le but. Lâchez toute attente… car si vous visez un résultat, vous n’êtes plus dans l’expérience…. Rappelez-vous qu’il n’y a pas de méditation réussie ou ratée …. qu’il n’y a pas non plus à fuir nos conditions de vie.

La pratique peut se résumer ainsi :

Faire face à tout ce qui vient, observer le mental et faire l’expérience de notre corps ici et maintenant…. Il s’agit ainsi d’appréhender en conscience tout ce qui vient à l’esprit (y compris la confusion, la désillusion….), sans rien forcer, sans juger et sans réagir en lâchant prise sur les ruminations mentales…

En cultivant la douceur avec nous-mêmes et avec nos pensées… une sorte de « bonté primordiale » émerge…

La pratique de la méditation requiert un EFFORT sans aucun doute, une motivation et la CONFIANCE en ce processus.

En apprenant à faire face à tout ce qui advient dans la méditation, nous saurons plus facilement nous confronter sereinement aux moments difficiles dans notre vie.

La pratique régulière permet de tendre plus facilement vers la pensée juste, l’acte juste et la parole juste… et elle permet ainsi un gain de temps (même si bien sûr nous ne méditons pas pour cela). Nous perdons moins de temps à réparer les dysfonctionnements (dans la communication par exemple…)

THICH NHAT HANH nous révèle que « nous sommes une fleur dans le jardin de l’humanité et que notre pratique est de cultiver notre florescence »… sans oublier que le lotus pousse dans la boue… que nous accueillons à la fois nos zones de lumière mais aussi d’ombres…

Rappelez-vous que chaque arrosage compte pour faire pousser une fleur… et que c’est bon d’ETRE et de se sentir vivant…

En cultivant ainsi notre présence, c’est le plus beau cadeau que nous nous offrons… que nous offrons ainsi aux autres… et au monde…

Belle continuation dans votre pratique !…

Respirez et prenez soin de vous…

C’est la meilleure façon de prendre soin des autres et du MONDE…

A propos de l’univers – Albert EINSTEIN

« Un être humain est une partie d’un tout que nous appelons « Univers ». Une partie limitée dans le temps et l’espace. Il fait l’expérience de lui-même, de ses pensées et de ses émotions comme quelque chose de séparé du reste, une sorte d’illusion d’optique de la conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous nous limitons à nos désirs personnels et à notre affection pour quelques personnes les plus proches de nous. Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion pour embrasser toutes les créatures vivantes et la nature entière dans sa beauté. Personne n’est capable de réaliser cela complètement, mais tendre à cet accomplissement est en soi une part de la libération et le fondement d’une sécurité intérieure »

Albert EINSTEIN, selon « The New York Times » (29 Mars 1972) et « The New York Post (28 Novembre 1972), cette citation provient d’une lettre écrite par Einstein en 1950.

La terre est ma demeure – Thich NHAT HANH

Voici un beau résumé du livre « La Terre est ma demeure » de Thich Nhat Hanh par Sébastien HENRY (3/9/18)

Thich Nhat Hanh, maître zen vietnamien, est reconnu dans le monde entier comme un des plus éminents représentants du “bouddhisme engagé”, ce courant du bouddhisme pour lequel “parler de compassion n’est pas suffisant ; il faut agir avec compassion”.

Sans être bouddhiste moi-même, le “bouddhisme engagé” incarné par Thich Nhat Hanh m’a toujours profondément inspiré, et je rêvais depuis longtemps d’un livre qui retracerait ses différents engagements, notamment son action de terrain lors de la guerre du Vietnam pour venir en aide aux victimes du conflit et construire la paix. Je rêvais d’une biographie solide et authentique, mais ce livre a dépassé mes attentes en proposant un récit à la première personne, publié alors que Thich Nhat Hanh est entré dans la dernière phase de sa vie (âgé de plus de 90 ans, il a subi récemment plusieurs attaques cérébrales).

Ce livre est fait de courts chapitres, de 1 à 10 pages, chacun centré sur un épisode au cours duquel Thich Nhat Hanh a tiré pour lui-même un enseignement. Il partage ces différents enseignements avec son style habituel mêlant simplicité et profondeur, sens du concret et don pour la poésie.

Voici, à titre d’exemple, quelques-unes de ses expériences qui m’ont particulièrement touché :

• Des rencontres en humanité avec des soldats français pendant la guerre d’Indochine, notamment avec un soldat venu piller les réserves de riz de son monastère. Ces rencontres sous haute tension lui ont donné l’occasion d’affirmer ses convictions : “Nous n’avions pas d’ennemis et nous ne prenions pas parti”. Il était essentiel d’exprimer la même compassion pour les victimes civiles et pour les soldats qui avaient été envoyés pour tuer. Pour lui, le “véritable ennemi est la colère, la haine et la discrimination qui se logent dans notre cœur et notre esprit” et “l’opprimé et l’oppresseur sont en chacun de nous”.

• Des moments dramatiques comme la destruction d’un village vietnamien par des bombardements aussitôt après sa reconstruction, plusieurs fois consécutives. Ces moments se sont révélés pour Thich Nhat Hanh des occasions d’intensification de sa pratique de la méditation pour “nourrir le peu d’espoir qui était en lui”. Il les aborde comme des appels à retrouver “sa solidité, sa liberté, sa paix et son calme intérieur”. Selon ses propres mots, sa pratique de la non-violence est devenue plus profonde pendant la guerre.

• Une phase de dilemme au sein de la communauté monastique dans laquelle il vivait : fallait-il continuer à pratiquer dans les monastères ou quitter les salles de méditation pour aller secourir ceux qui souffraient sous les bombes? Cet épisode a mené à une décision majeure : faire les deux, c’est-à-dire “aller aider les gens et le faire en pleine conscience afin d’offrir une aide spirituelle et concrète”. Il a ainsi fondé pendant la guerre, l’Ecole de la Jeunesse pour le Service Social (EJSS), qui a formé des milliers de jeunes afin d’apporter une aide humanitaire dans les villages ravagés par la guerre. Pour Thich Hhat Hanh, la vision et l’action vont de pair. “Sinon à quoi servirait-il de voir?”, demande-t-il avec force.

• Son expérience intérieure au cours de son engagement auprès de 800 réfugiés bloqués en pleine mer à proximité des côtes de Singapour, sans nourriture pendant plusieurs jours. Une nuit de crise en particulier fut l’occasion d’une pratique assidue de la méditation : “La souffrance que nous côtoyions était si terrible que si nous n’avions pas eu un réservoir de force spirituelle, nous n’aurions pas pu continuer (…) Nous avons dû respirer profondément, de tout notre être”.

• Ses efforts délibérés pour une compréhension profonde des oppresseurs comme de leurs victimes. Un passage particulièrement émouvant concerne l’évocation du viol d’une fillette vietnamienne par un pirate sur un bateau de réfugiés : “En fonction de l’endroit où je suis né et des circonstances dans lesquelles j’ai grandi, j’aurais pu être cette fillette ou le pirate”. Thich Nhat Hanh s’est aussi engagé auprès d’anciens combattants américains au Vietnam, notamment l’un d’entre eux qui avait délibérément tué 5 enfants vietnamiens et vivait depuis dans la souffrance d’une culpabilité permanente. Pour lui, une grande bienveillance est nécessaire pour aider ces personnes à entrer de nouveau en contact profond avec la vie.

La force que dégage ce livre en fait une source d’inspiration possible pour de nombreux femmes et hommes d’action, qu’ils aient ou non une sensibilité bouddhiste. Même si la guerre et les autres événements traversés par Thich Nhat Hanh semblent loin de notre quotidien, les enseignements qu’il partage restent éminemment précieux, notamment en raison de leur résonance intérieure et des questions qu’ils font naître en nous.

3 Septembre 2018

La méditation protège du vieillissement et de la maladie d’Alzheimer (18/04/18)

La méditation permet de ralentir les effets du vieillissement sur le cerveau ainsi que la survenue de la maladie d’Alzheimer. C’est ce que suggèrent les résultats d’une étude pilote, publiée dans la revue Scientific Reports, menée par des chercheurs de l’Inserm basés à Caen et Lyon. En permettant une réduction du stress, de l’anxiété, des émotions négatives et des problèmes de sommeil qui ont tendance à s’accentuer avec l’âge, la méditation pourrait réduire les effets néfastes de ces facteurs et avoir un effet positif sur le vieillissement cérébral. 73 personnes âgées de 65 ans en moyenne ont passé des examens d’imagerie cérébrale. Parmi elles, les “experts en méditation” (avec 15 000 à 30 000 heures de méditation à leur actif) présentaient des différences significatives au niveau de certaines régions du cerveau.

En réduisant les effets du stress, de l’anxiété, des émotions négatives et des problèmes de sommeil, qui ont tendance à s’accentuer avec l’âge, la méditation pourrait réduire les effets néfastes de ces facteurs et avoir un effet positif sur le vieillissement cérébral. Agir sur le stress et le mauvais sommeil : Avec l’âge, une diminution progressive du volume cérébral et du métabolisme du glucose apparaissent avec, pour conséquence, un déclin des fonctions cognitives. Ces changements physiologiques peuvent être exacerbés par le stress et une mauvaise qualité du sommeil. Ces deux derniers paramètres sont considérés comme des facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer. Agir sur le stress et le sommeil pourrait donc faire partie de la panoplie d’outils utiles pour retarder le plus possible l’apparition de la maladie. C’est ainsi qu’une étude pilote menée par des chercheurs Inserm de Caen et Lyon a exploré la possibilité que la méditation puisse décaler de quelques années l’âge auquel les changements cérébraux favorables au développement d’Alzheimer apparaissaient. Pour cela, ils ont étudié le fonctionnement du cerveau de 67 personnes pratiquant la méditation.

Les “experts” ayant participé à l’étude sont âgés de 65 ans en moyenne et ont entre 15 000 et 30 000 heures de méditation derrière eux. Ils ont été sélectionnés car ils pratiquent la méditation selon différents courants traditionnels bouddhistes ce qui nous permet d’avoir un panel représentatif. Puis les chercheurs ont comparé le fonctionnement de leur cerveau à celui de 67 témoins non-méditants eux aussi âgés en moyenne de 65 ans. Un groupe plus large de 186 personnes âgées de 20 à 87 ans a également été inclus pour évaluer les effets classiques du vieillissement sur le cerveau et mieux comprendre les effets particuliers de la méditation. La méditation protège des zones clés du cerveau.

L’ensemble des personnes ayant participé à cette étude ont été soumises à des examens neurologiques par IRM et TEP. Des différences significatives ont été mises en évidence au niveau du volume de la matière grise et du métabolisme du glucose. Dans le détail, les résultats d’examens montrent que le cortex frontal, cingulaire et l’insula des personnes pratiquant la méditation étaient plus volumineux et/ou avaient un métabolisme plus élevé que celui des témoins, et ce, même lorsque les différences de niveau d’éducation ou de style de vie étaient prises en compte. Les régions cérébrales détectées avec un plus grand volume ou métabolisme chez les personnes pratiquant la méditation sont spécifiquement celles qui déclinent le plus avec l’âge. Les effets de l’âge évalués dans cette même étude chez les personnes non-méditantes âgées de 20 à 87 ans se concentraient effectivement sur certaines régions bien particulières, les mêmes que celles qui étaient préservées chez les méditants âgés. Ces premiers résultats suggèrent que la méditation pourrait réduire les effets néfastes de ces facteurs sur le cerveau et avoir un effet positif sur le vieillissement cérébral, possiblement en permettant une réduction du stress, de l’anxiété, des émotions négatives et des problèmes de sommeil qui ont tendance à s’accentuer avec l’âge.

Marie Desange
Source : https://www.nature.com/articles/s41598-017-07764-x

Entraîner l’humanité vers l’avant – Matthieu RICARD (08/01/18)

Maria Shriver : De quelle façon la compassion peut-elle changer le monde d’aujourd’hui, selon vous ? Est-ce que nous en avons besoin plus que jamais ?

Matthieu Ricard : L’un des problèmes principaux à notre époque est de réconcilier les exigences de l’économie, la recherche du bonheur et le respect de l’environnement. Ces impératifs correspondent en fait à trois échelles de temps : court, moyen et long terme.

La compassion – l’intention d’éliminer la souffrance d’autrui ainsi que ses causes – si on l’associe à l’altruisme, c’est à dire au souhait d’apporter du bien-être aux autres, est le seul concept unificateur qui nous permette de trouver notre voie au sein de ces préoccupations si complexes. Si nous avons plus de considération pour les autres, nous avancerons vers une économie qui prend soin d’autrui. Nous aurons le souci d’améliorer les conditions de travail, la vie familiale et sociale ainsi que beaucoup d’autres aspects de notre existence, et nous nous sentirons concernés par le sort des générations futures.

Pour que les choses changent vraiment, osons adopter l’altruisme ! J’ose dire que l’altruisme véritable existe, qu’il peut être cultivé par chacun d’entre nous et que l’évolution des cultures peut favoriser son expansion. Il pourrait être enseigné à l’école, comme un outil précieux susceptible d’aider les enfants à développer leur capacité naturelle à la gentillesse et à la coopération. L’économie ne peut pas se contenter d’écouter seulement la voie de la rationalité et de l’intérêt personnel, elle doit aussi écouter celle du souci de l’autre et la donner à entendre. Osons prendre sérieusement en compte le sort des générations futures et changer notre façon d’exploiter la planète aujourd’hui, car ce sera celle qu’elles habiteront demain ! J’ose dire que l’altruisme n’est pas un luxe mais une nécessité !

Maria Shriver : Votre livre Plaidoyer pour les animaux déclare que la compassion pour tous les êtres est une obligation morale. Comment le fait de ressentir cette compassion améliore-t-il les relations d’un individu avec les autres et avec le monde qui l’entoure ?

Matthieu Ricard : La compassion n’est pas une denrée à distribuer de façon parcimonieuse comme de la nourriture. C’est une façon d’être, une attitude, une intention de faire le bien à ceux qui entrent dans notre sphère d’influence et d’alléger leur souffrance. Donc tout naturellement il en résulte que le fait d’aimer les animaux ne signifie pas aimer moins les êtres humains. En fait en aimant aussi les animaux on aime encore mieux les humains car notre bienveillance s’est accrue. Quelqu’un qui n’aime qu’une partie de l’humanité ne possède qu’une bienveillance appauvrie et fragmentaire.

Il est intéressant de noter les résultats obtenus suite à une étude menée par des neuroscientifiques : ces derniers ont réalisé des scanners des cerveaux de personnes omnivores, végétariennes et véganes en train de regarder des images de souffrances humaines et animales. Il s’est avéré que les aires du cerveau associées à l’empathie étaient activées de façon plus aiguë chez les végétariens et les véganes que chez les omnivores, et ce non seulement lors de la vision d’images de souffrances animales mais aussi pendant celle de souffrances humaines.

Nous avons fait des progrès immenses en termes de civilisation. Nous ne torturons plus les gens sur la place publique alors que c’était encore fréquent en Europe au 18ème siècle. Nous avons aboli l’esclavage et la torture – au moins selon les lois internationales. Il y a bien sûr encore beaucoup à faire sur le plan éthique. Nous accordons ainsi, à juste titre, une valeur infinie à la vie humaine, mais les animaux sont vus comme n’ayant pas de valeur intrinsèque, sauf sur un plan commercial ou lorsqu’ils sont considérés comme des outils ayant une tâche à accomplir. Nous sommes tout, ils ne sont rien. Notre système éthique ne sera pas cohérent tant que nous considérerons pas les membres des huit millions d’autres espèces comme nos concitoyens sur cette terre.

Maria Shriver : Vous dites que le bonheur est la compétence la plus importante dans la vie. Quelle serait la première étape pour les gens qui souhaitent devenir plus heureux ?

Matthieu Ricard : Le bonheur n’est pas simplement une succession d’expériences plaisantes. C’est une façon d’être résultant d’un ensemble de qualités humaines fondamentales comme la compassion, la liberté et la paix intérieures, la résilience, etc. Chacune de ces qualités est une capacité qui peut être cultivée au travers d’un entraînement de l’esprit, ainsi que d’actions et d’intentions positives. Parmi toutes ces qualités qui développent le bonheur, je suis convaincu que l’amour altruiste est la plus puissante.

Maria Shriver : Pourquoi est-il si important de souhaiter le bonheur d’autrui en plus du sien ?

Matthieu Ricard : Il est essentiel de souhaiter le bonheur d’autrui car la poursuite d’un bonheur égoïste est vouée à l’échec. Tout le monde y perd. En ne pensant qu’à « moi moi moi » tout au long de la journée, nous rendons non seulement notre vie misérable mais aussi celle des êtres qui nous entourent. En plus de cela, se percevoir comme des entités séparées capables de construire leur propre bonheur dans une petite bulle, c’est ne pas être en accord avec la réalité, et cela ne marchera pas.

À l’inverse, l’amour altruiste et la compassion font du bien aux autres, et ce sont les états mentaux les plus satisfaisants que nous pouvons expérimenter. Donc tout le monde y gagne, et la compassion fonctionne puisqu’elle est en accord avec la nature interdépendante de la réalité.

Maria Shriver : Quelles sont vos espérances pour le futur ?

Matthieu Ricard : Mon souhait est que nous nous transformions nous-mêmes pour mieux servir les autres. En dépit de tous les défis, de la confusion mentale et d’autre troubles qui affectent le monde, il est clair que la plupart du temps, les sept milliards d’individus sur cette planète, dans leur immense majorité, se comportent décemment les uns avec les autres, et ils aspirent à un monde meilleur. On pourrait appeler cela la « banalité du bien ».

Alors plutôt que de se décourager par rapport aux images décourageantes et aux comportements négatifs dont on entend parler ou que l’on observe autour de nous, nous devons faire l’effort d’accroître notre coopération, notre solidarité et notre sentiment de responsabilité universelle. En dépit de tout ce qui peut se passer de terrible, nous savons que la violence a décliné au cours des siècles.

Je souhaite tout spécialement que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour faire face aux défis environnementaux, car le sort de plusieurs milliards d’êtres, maintenant et pour l’avenir, est en jeu. C’est l’enjeu majeur du 21ème siècle. Alors travaillons ensemble sur ce problème de façon diligente et enthousiaste.

Cette interview a été initialement publiée sur www.mariashriver.com

Réflexions sur le bonheur et l’esprit – Matthieu Ricard (11/07/17)

Rechercher le bonheur ne signifie pas la poursuite incessante d’expériences plaisantes – ceci ressemblerait plutôt à une recette menant à l’épuisement – mais une façon d’être résultant d’un esprit que l’on a entraîné à la bienveillance, à l’équilibre émotionnel, à la liberté et à la paix intérieures, en un mot à la sagesse. Chacune de ces qualités est une aptitude que l’on peut développer au travers d’un entraînement de l’esprit.

Nous avons à faire à notre propre esprit du matin au soir. Il peut être notre meilleur ami comme notre pire ennemi. Nous devons faire tout notre possible pour améliorer le monde extérieur, bien sûr – remédier à la pauvreté, aux inégalités et aux conflits, etc. – mais nous pouvons aussi agir pleinement sur notre état d’esprit et atteindre ainsi les ressources intérieures nous permettant d’appréhender les vicissitudes de la vie.

La souffrance et les bouleversements ne tombent pas du ciel. Les causes en sont distantes et proches à la fois. Il n’y a aucune guerre qui n’ait commencé par un sentiment de haine qui s’est ensuite répandu dans l’esprit de quelqu’un. À part pour les catastrophes naturelles, les situations les plus fâcheuses sont le fait des êtres humains et de leur esprit. Il nous fait donc aller à la racine même des causes de notre souffrance – la confusion mentale, la haine, l’avidité, la jalousie et l’arrogance – et tout mettre en œuvre pour y remédier.

Quand vous faites face à des circonstances défavorables, si vous pouvez agir, faites-le, il n’y a pas besoin de s’inquiéter. Si vous ne pouvez rien faire, alors il n’y a aucune raison non plus de s’inquiéter. Ainsi dans les deux cas l’inquiétude est une souffrance ajoutée. Mais cela ne signifie pas bien sûr qu’il n’y a pas à être malheureux en cas d’injustice, d’abus ou d’autres attitudes provoquant de la souffrance chez autrui.