Ce corps n’est pas moi de Thich Nhat Hanh

Thich Nhat Hanh est décédé paisiblement à l’âge de 95 ans au Vietnam le 22 Janvier 2022. Considéré en Occident comme le père de la méditation de pleine conscience : « Thay a été l’enseignant le plus extraordinaire, dont la paix, la tendre compassion et la brillante sagesse ont touché la vie de millions de personnes ». Comme dirait Thay : “Parce que nous avons vu le chemin, nous n’avons plus rien à craindre.”

« Je suis arrivé, je suis chez moi” signifie : Je ne veux plus fuir. J’ai couru toute ma vie, et je ne suis arrivé nulle part. Maintenant, je veux m’arrêter. Ma destination est l’ici et maintenant, le seul moment et le seul endroit où la vraie vie est possible. » Thich Nhat Hanh

 

 

« Ce corps n’est pas moi.

Je ne suis pas limité par ce corps.

Je suis la vie sans limites.

Je ne suis jamais né et jamais ne mourrai.

 

Regarde le vaste océan et le ciel immense là-haut

Etincelant de milliers d’étoiles.

 

Tout n’est que la manifestation de mon esprit.

Depuis toujours, je suis libre.

Naissance et mort ne sont que jeu de cache-cache,

Portes d’entrée et de sortie.

 

Prends ma main et rions tous les deux.

Ceci n’est qu’un au revoir.

Nous nous reverrons encore.

 

Nous ne cessons de nous rencontrer

Aujourd’hui et demain

A notre source et à chaque instant

Sur des milliers de chemins de la vie. »

 

Extrait de “Cérémonie du coeur” (Ed. Sully 2010)

Je continuerai à croire…

« Je continuerai à croire, même si tout le monde perd espoir.
Je continuerai à aimer, même si les autres distillent la haine.
Je continuerai à construire, même si les autres détruisent.
Je continuerai à parler de paix, même au milieu d’une guerre.
Je continuerai à illuminer, même au milieu de l’obscurité.
Je continuerai à semer, même si les autres piétinent la récolte.
Et je continuerai à crier, même si les autres se taisent.
Et je dessinerai des sourires sur des visages en larmes.
Et j’apporterai le soulagement, quand on verra la douleur.
Et j’offrirai des motifs de joie là où il n’y a que tristesse.
J’inviterai à marcher celui qui a décidé de s’arrêter…
Et je tendrai les bras à ceux qui se sentent épuisés. » 

Abbé Pierre

Des neuroscientifiques lyonnais auscultent la méditation – Le monde (15/10/21)

 

Par Richard Schittly, Lyon, correspondant

Une équipe de l’Inserm conduit une expérience ambitieuse d’analyse du fonctionnement cérébral de méditants expérimentés, afin de tenter de cerner ce processus mental.

Une équipe lyonnaise de scientifiques de l’Inserm mène une expérience consacrée aux effets de la méditation sur le cerveau, à partir d’un protocole aux proportions inédites. Nommée Longimed, simplification d’« évolution longitudinale de la perception et de la cognition lors d’une retraite de méditation », cette étude neuroscientifique vise à identifier les changements comportementaux et cérébraux intervenant lors de la pratique intensive de la méditation, plus précisément dans une phase maximale d’expérience méditative.

Les chercheurs ont accumulé des données à partir d’une cohorte de volontaires, recrutés pour leur pratique poussée de la méditation, placés en retraite complète d’une durée ininterrompue de dix jours. En tout, 54 personnes réparties en plusieurs groupes se sont prêtées à l’expérience. Trois retraites se sont déroulées entre octobre 2020 et mars 2021, dans un centre d’accueil du Poizat, près de Nantua (Ain). A l’issue d’un calendrier perturbé par les épisodes de confinement sanitaire, les dernières mesures ont été effectuées en juin, dans le laboratoire du centre de recherche en neurosciences basé dans le parc de l’hôpital Le Vinatier, à Bron (Rhône). L’équipe, constituée d’une dizaine de chercheurs et assistants, se donne désormais un an pour livrer les résultats complets de l’étude financée par le Conseil européen de la recherche.

Exercice intensif

« Un tel format expérimental manquait à la littérature scientifique. La durée des retraites que nous avons organisées nous permet d’aller plus loin dans la connaissance des ressorts de la méditation sur les schémas perceptifs, cognitifs et affectifs du cerveau »,expose Antoine Lutz, 48 ans, du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Auteur d’une thèse soutenue en 2002 à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et chercheur durant dix ans à l’université du Wisconsin, le directeur de recherche s’inscrit dans la filiation scientifique qui a démarré en 1983 par la rencontre fondatrice entre le neurobiologiste Francisco Varela et le dalaï-lama. Antoine Lutz a aussi participé aux premières études en imagerie cérébrale sur les méditations réalisées avec des méditants chevronnés, comme en 2015 avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard.

CERTAINES ONDES ET ZONES DU CERVEAU SONT DIRECTEMENT TOUCHÉES PAR L’EXERCICE DE LA MÉDITATION, COMME SI LA PLASTICITÉ DU CERVEAU BÉNÉFICIAIT DE L’EXERCICE MENTAL

« Ce champ d’étude n’a pas été pris au sérieux à ses débuts. On me disait que je quittais la science ! Depuis vingt ans, les neurosciences cognitives sont en pleine expansion et le sujet de la méditation nous apporte beaucoup d’enseignements sur la manière dont le cerveau fonctionne »,explique Antoine Lutz. Des études précédentes ont montré qu’il existe des principes neurocomputationnels spécifiques de fonctionnement du cerveau lors de pratiques méditatives intenses. Certaines ondes et zones du cerveau sont directement touchées par l’exercice intensif de la méditation, comme si la plasticité du cerveau bénéficiait de l’exercice mental qui consiste à accueillir pensées et sensations dans l’immobilité et le silence. Avec l’observation de hautes doses de méditation, l’équipe de l’Inserm cherche à identifier les marqueurs comportementaux et neurophysiologiques de l’effet des situations dites « de pleine conscience ». L’étude lyonnaise veut confirmer, modéliser et tester ces principes, afin de tenter d’établir une théorie neurocognitive complète de la méditation.

« On n’arrête pas l’esprit »

Selon le protocole de Longimed, les participants ont suivi huit sessions de méditation par jour, pilotées par un professionnel. Pas d’autres loisirs, peu de conversations, les téléphones proscrits, des repas en commun : tous les groupes ont connu des conditions similaires, avec le minimum de perturbations extérieures. Chaque participant était invité à remplir sur une tablette un questionnaire quotidien d’une vingtaine d’items, afin de décrire ses sensations.

« NOUS OBSERVONS NOUS-MÊMES COMMENT NOTRE CERVEAU FONCTIONNE, C’EST L’ESSENCE DE LA MÉDITATION », CORINNE FORQUEZ, PARTICIPANTE

Trois types de mesure physique ont été menées sur place : auditives, avec différents sons dans des écouteurs ; tactiles, avec un appareil fixé sur le doigt, permettant de répliquer une force donnée ; et sensitives, à partir de légères stimulations électriques. L’ensemble de ces mesures a été effectué à trois reprises : avant, pendant et après le stage de méditation. Un groupe témoin a fait l’objet de relevés similaires, sans méditation, afin d’évaluer les différences. Des mesures complémentaires ont été réalisées par électroencéphalogramme et imagerie par résonance magnétique (IRM). D’une durée d’une heure et demie, les examens d’IRM ont été effectués à trois reprises, avant la retraite, à la fin de celle-ci, puis trois semaines après.

« L’IRM est le seul appareil que nous n’avons pas pu transporter dans le centre de retraite du Jura ! Sinon, le laboratoire a été déployé sur place. Le fait d’étudier et de prendre des mesures pendant les stages dans des conditions stables sur d’aussi longues durées, c’est ce qui a donné son caractère exceptionnel à cette étude », déclare Arnaud Poublan-Couzardot, 26 ans, membre de l’équipe lyonnaise, doctorant en troisième année à l’université Claude-Bernard Lyon-I. « Cette expérience a été très intense, même pour un public qui pratique souvent la méditation. Au fil du temps, nous observons nous-mêmes comment notre cerveau fonctionne, c’est l’essence de la méditation. On n’arrête pas l’esprit ! », confie Corinne Forquez, 52 ans, participante de l’expérience Longimed.

Mieux gérer la souffrance

« La méditation permet de prendre conscience de sa vie mentale. Cette observation détachée opère une sorte de décentrage cognitif. Vous accueillez la colère, la peur, l’ennui, la douleur, sans être gêné, sans être happé et sans vouloir changer les pensées et les émotions. Ce faisant, vous gagnez un peu d’espace, qui permet de voir sans être dans le réactif. C’est ce que nous venons d’établir expérimentalement »,résume Antoine Lutz. En étudiant l’observation volontaire et la régulation des schémas perceptifs et affectifs du cerveau, l’expérience Longimed cherche notamment à mieux cerner le phénomène d’amplification cognitive de la douleur.

« Cette présence non réactive permet de mieux gérer la souffrance, car elle réduit la composante affective de la douleur tout en laissant inchangée sa composante sensorielle », explique le chercheur. Les premiers résultats semblent très prometteurs. « La méditation ne modifie pas l’intensité de la douleur, mais plutôt sa composante affective. Nous identifions les effets de la méditation dans ce processus »,indique Arnaud Poublan-Couzardot. Ce qui ouvre des perspectives cliniques. A Lyon, comme dans d’autres villes, un diplôme universitaire (DU) propose d’intégrer la méditation dans les parcours de santé. « Ce type de DU s’inscrit dans une médecine plus humaniste qui inclut davantage le patient dans sa propre prise en charge et qui focalise sur les capacités naturelles de prendre soin de soi », soutient Antoine Lutz.

 
 
 
 
 
 
 

Ne nous trompons pas d’“ennemis” – Plus dangereux que le covid, le virus de la division – Olivier Clerc

 

Dans quel camp êtes-vous ? Êtes-vous pour ou contre le vaccin ? Pour ou contre le Pass sanitaire ? Qui sont vos alliés, et qui vos ennemis ?

Depuis bientôt un an et demi, la société se clive de plus en plus. Chaque camp projette le diable sur l’autre. Depuis le 12 juillet, la situation est encore pire. Dans les familles, dans les entreprises, les associations, partout, les gens commencent à se regarder de travers selon que l’autre est ou non du même bord que soi.

Un virus bien plus dangereux que le covid est en train de détruire la société sous nos yeux : celui de la division, celui de l’étiquetage mutuel, du jugement, de la haine et de l’exclusion.

Si nous le laissons proliférer, dans quel monde allons-nous vivre demain ? Allons-nous laisser la société se couper en deux, avec une ligne de partage qui traversera chaque famille, chaque ville ou village, chaque commerce, chaque parti, chaque association ?

Un tel clivage ne peut avoir aucun gagnant. Peu importe le camp qui l’emporterait, ce serait l’esprit de division qui aurait triomphé et qui, demain, créerait de nouvelles lignes de fractures et poursuivrait sans fin le morcellement ainsi amorcé. Jusqu’à ce que tout le tissu social ne soit plus qu’un champ de ruines.

L’unité, seul remède à la division – que certains responsables politiques invoquent sans vraiment savoir de quoi ils parlent – ne peut exister qu’entre personnes ayant des convictions, des croyances, des pratiques différentes, mais sachant néanmoins se respecter mutuellement et vivre ensemble. Lorsque ces différences ne sont plus tolérées, comme actuellement, ce n’est pas l’unité qui règne, mais l’uniformité qui en est l’exact contraire, puisqu’elle détruit la diversité indispensable au vivant.

 

Si nous voulons trouver de véritables “ennemis” à combattre, mais cette fois pour rester unis et ne pas nous tromper de cibles, en voici quelques-uns, dont vous constaterez qu’aucun n’est une personne ni un groupe d’individus :

– L’esprit binaire vient en tête de liste, bien sûr, car il nous conduit à réduire la complexité des choses, des gens et des problèmes à des dualités simplistes, pour/contre, gentil/méchant, bon/mauvais, qu’on répartit en camps adverses. C’est lui qui donne naissance à l’esprit de division.

– La peur vient en second, qui a envahi la société depuis un an et demi : sa vibration émotionnelle toxique empêche de penser correctement, sans compter qu’elle empoisonne nos cellules et affaiblit notre immunité.

– Le besoin d’avoir raison suit juste après : la conviction d’être seuls détenteurs d’une vérité, sans accorder le moindre crédit à qui pense différemment. Le mental humain étant capable de justifier toutes les croyances, sans exception, les plus pertinentes comme les plus fausses, avoir raison ne prouve jamais qu’on soit dans le vrai. La vérité est plus vaste qu’aucun raisonnement.

– L’étiquetage qui parasite depuis un an le journalisme : étiqueter quelqu’un (complotiste, rassuriste, alarmiste…) permet de disqualifier cette personne sans même s’intéresser à ce qui motive son point de vue. Une fois étiquetée, elle en perd d’ailleurs son statut de personne à part entière : elle est réduite à une opinion, forcément erronée.

– La diabolisation du camp adverse, qui en découle naturellement : si l’autre ne pense pas comme moi, c’est qu’il est mauvais, qu’il a tort, qu’il est nuisible à moi-même et aux autres. Rapidement, on ne le voit plus vraiment comme un être humain d’ailleurs, plutôt comme un monstre, un ennemi à neutraliser.

– La conviction de faire ce qui est bon pour les autres, déjà dénoncée autrefois par Alice Miller[1] dans son fameux livre C’est pour ton bien. Un proverbe touareg enseigne avec sagesse que « Ce qu’on fait pour les autres, sans les autres, c’est contre les autres ». Autrement dit, le « bien commun » ne peut résulter que d’un cheminement collectif.

– L’exclusion, qui est la conséquence logique de tout ce qui précède. Celui de l’autre bord a tort, il est mauvais, d’ailleurs il ou elle est …… (choisir son étiquette). Je sais mieux que lui ce qui est bon pour lui. Et s’il ne veut pas s’y plier, il ne reste qu’à l’exclure. Il ou elle l’aura bien cherché.

On pourrait certainement en trouver d’autres, mais nos véritables “ennemis” sont là, ils sont en nous. Il s’agit d’attitudes, de comportements que chacun de nous est susceptible d’arborer, quel que soit son camp, et qui sont une véritable gangrène pour le corps social que nous formons ensemble. Ces “ennemis”-là – ces poisons-là devrait-on dire – nous ne pouvons les guérir qu’avec ces antidotes à (re)découvrir que sont :

– Le dialogue, et en particulier la capacité à converser en bonne intelligence avec ceux et celles qui pensent autrement que nous, à nous ouvrir à leurs sources d’information, à leur expérience personnelle, leur parcours de vie, à tout ce qui les conduit à avoir aujourd’hui telle opinion, différente de la nôtre.

– La capacité à se remettre en question, à accepter que nul ne détient toute la vérité, la volonté d’aller examiner d’autres points de vue que le sien. Voire, celle de reconnaître que l’on avait en partie tort…

– L’acceptation de la complexité, car le monde n’est pas binaire, noir/blanc. Aucun problème ne peut se résumer à des 0 et des 1 : il y a d’infinies combinaisons, d’infinies nuances de gris.

– L’esprit d’inclusion, enfin, car l’autre, quelles que soient les opinions qu’il cultive, est un être humain comme moi, possédant les mêmes besoins fondamentaux, les mêmes aspirations essentielles, quelqu’un de bien moins différent de moi que nos idées ou croyances divergentes ne le laissent supposer en apparence.

 

Alors, qu’allons-nous combattre, au final ?

D’illusoires ennemis extérieurs, qui sont en réalité nos frères et sœurs en humanité, quitte à imposer à notre société l’une des divisions les plus profondes et les plus lourdes de conséquences de son histoire ? Allons-nous laisser apparaître une guerre civile, des émeutes un peu partout, ou encore une nouvelle guerre de religion, opposant cette fois des croyances médicales[2] à d’autres ?

Ou allons-nous plutôt nous occuper de nos propres ennemis intérieurs, nos peurs, nos vieux réflexes claniques, nos jugements, nos rejets ?

Surtout : quelle société nos choix vont-ils produire demain ?

Une société coupée en deux, déchirée d’un bout à l’autre par une fracture traversant toutes les couches sociales, les catégories professionnelles, les appartenances ? Un tissu social en lambeaux, traversé par la peur, le ressentiment, la haine, la honte ?

Ou une société aspirant à l’unité malgré ses différences et ses désaccords, recherchant ensemble, dans la diversité et le pluralisme retrouvés, des solutions aux défis actuels, sans exclure ni rejeter personne ?

    

Nous sommes à un tournant majeur de notre histoire. Ne nous méprenons pas sur ce qui est réellement en jeu ici, bien au-delà de seules questions sanitaires (ou politiques). C’est de notre avenir commun dont il est véritablement question, de la manière dont nous allons choisir notre façon de vivre ensemble, les uns avec (ou contre) les autres.

Certaines décisions ne sont pas de notre ressort, elles sont dans les mains de ceux qui nous dirigent, pour le meilleur ou pour le pire.

D’autres, en revanche, ne dépendent que de nous, individuellement et collectivement. Personne ne peut nous contraindre à étiqueter, à juger, à rejeter, à haïr ou à exclure. Personne. Tous et toutes nous pouvons faire le choix du dialogue, de la rencontre, de l’ouverture à celles et ceux qui pensent autrement, qui ont d’autres convictions, d’autres pratiques. Nous pouvons refuser la division, refuser l’exclusion, être solidaires les uns des autres, par delà nos opinions divergentes.

Il n’y a pas des vaccinés d’un côté et des non-vaccinés de l’autre. Il y a seulement des êtres humains, hommes, femmes et enfants, qui aspirent tous à vivre en bonne intelligence les uns avec les autres, à cultiver et préserver leur santé, grâce à la multitude de médecines et thérapies complémentaires qui existent pour cela, et à affronter ensemble, dans le respect de leur diversité, les défis majeurs que nous présente notre époque. Nous n’y parviendrons qu’ensemble, tous ensemble, en nous appuyant sur la multitude de connaissances et d’expériences disponibles, dans toute leur richesse et leur complémentarité, sans plus en exclure aucune.

 

Olivier CLERC (article du 23 Juillet 2021)

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Conseils de sagesse pour traverser la tempête – Thich Nhat Hanh

« Chaque fois que nous ressentons une forte vague de peur, de colère ou de jalousie, nous pouvons faire quelque chose pour prendre soin de cette énergie négative afin de l’empêcher de nous détruire. Il ne doit pas y avoir de conflit entre un élément et un autre élément de notre être. Il faut seulement un effort pour prendre soin et être capable de transformer. Nous adoptons une attitude non violente envers notre souffrance, notre douleur, notre peur.

Quand nous avons une forte émotion comme la peur et le désespoir, cela peut être plus fort que nous. Mais avec la pratique, nous savons que nous pouvons apprendre comment embrasser notre peur parce que nous savons qu’en chacun de nous il y a la graine de la pleine conscience.

Si nous pratiquons et stimulons cette graine chaque jour en marchant, en nous asseyant, en respirant, en souriant, en mangeant, nous cultivons l’énergie de la pleine conscience. Et ensuite, chaque fois que nous avons besoin de cette énergie, il nous suffit de toucher cette graine, et immédiatement, l’énergie de pleine conscience se manifeste, à notre disposition pour embrasser nos émotions. Si nous réussissons à faire cela, ne serait-ce qu’une fois, alors nous obtenons un peu plus de paix et nous aurons moins peur de nos émotions fortes la prochaine fois que nous aurons affaire à elles quand la peur vient nous rendre visite.

Supposons que vous ayez beaucoup de souffrance, de regrets ou de peur, enfouis dans les profondeurs de votre conscience. Beaucoup d’entre nous ont d’importants blocs de souffrance et de douleur dans les profondeurs de leur conscience, qu’ils ne supportent pas de regarder en face. Nous nous efforçons d’être toujours très occupés pour être sûrs que ces visiteurs indésirables ne viennent pas nous rendre visite. Nous nous occupons avec d’autres « invités » – nous prenons un magazine ou un livre, nous allumons la télévision ou nous écoutons de la musique. Nous faisons tout et n’importe quoi dans le seul but de remplir notre attention avec quelque chose. C’est la pratique de la répression, du refoulement.

La plupart d’entre nous adoptent cette stratégie d’embargo. Nous ne voulons pas ouvrir la porte à notre peur, à nos soucis, à notre dépression pour qu’ils apparaissent, alors nous recherchons toutes sortes de choses pour occuper notre esprit. Et il y a toujours beaucoup de choses disponibles pour nous aider à nous distraire de ce qui se passe en nous. Il existe de nombreux moyens de se divertir, comme, par exemple, la télévision. Elle peut être utilisée comme une sorte de drogue. Quand la souffrance devient insupportable en nous, nous allumons parfois la télévision pour oublier nos tourments. Cela remplit notre salon d’images et de sons. Même si le programme que nous regardons n’est pas satisfaisant, nous n’avons souvent pas le courage d’éteindre la télé.

Pourquoi cela ? Parce que, bien que ce soit inintéressant et même perturbant, nous pensons que c’est mieux que de revenir à nous-mêmes pour être confrontés à notre souffrance intérieure. La distraction est une stratégie très répandue. Certains choisissent de vivre dans une zone sans télévision, tout comme il y a des zones sans tabac ou sans alcool. Mais beaucoup parmi nous utilisent la télévision ou les jeux vidéo pour masquer leur inconfort.

Je connais une famille où l’on regardait la télévision tous les soirs. Un jour, ils sont allés au marché aux puces et ils ont vu une statue du Bouddha. Ils l’ont achetée pour la ramener à la maison mais, comme le logement était petit, il n’y avait pas de place pour mettre la statue. Alors ils ont décidé de la poser sur le téléviseur, qui était un endroit propre et présentable. Par hasard, je suis passé dans cette famille juste après qu’ils avaient installé le Bouddha. Je leur ai dit : “Chers amis, la statue et la télévision ne vont pas bien ensemble, parce que ces deux choses sont des pôles opposés. Le Bouddha est là pour nous ramener à nous-mêmes, tandis que la télévision nous aide à nous enfuir de nous-mêmes.”

La respiration ventrale

Il existe plusieurs méthodes simples pour prendre soin de nos émotions. L’une d’elles est la respiration ventrale, la respiration abdominale. Quand nous sommes la proie d’une forte émotion comme la peur ou la colère, la pratique consiste à ramener notre attention à notre abdomen. En effet, si nous restons au niveau intellectuel, nous ne sommes pas en sécurité.

Les émotions fortes sont comme une tempête, au coeur de laquelle il est très dangereux de rester. Pourtant c’est ce que nous faisons, pour la plupart, quand nous sommes énervés ; nous restons dehors, dans la tempête de nos émotions, et elles nous submergent. Ce qu’il convient de faire, c’est de nous enraciner en ramenant notre attention vers le bas. Nous nous concentrons sur notre abdomen et nous pratiquons la respiration consciente, focalisant notre attention sur le ventre qui se gonfle et qui s’abaisse.

Tenir bon dans la tempête

Si vous regardez un arbre dans la tempête, vous voyez que ses branches et ses feuilles sont violemment secouées en tous sens par le vent. Vous avez l’impression que l’arbre ne va pas résister à la tempête.

Vous êtes comme cela lorsque vous êtes la proie d’une vive émotion. Comme l’arbre, vous vous sentez très vulnérable. Vous risquez de casser à tout moment. Mais si vous dirigez votre attention vers le tronc de l’arbre, vous voyez les choses différemment. Vous voyez que l’arbre est solide et profondément enraciné dans la terre. Si vous focalisez votre attention sur le tronc de l’arbre, vous réalisez que l’arbre est fermement enraciné et qu’il ne peut pas être emporté par le vent.

Chacun de nous, en position assise ou debout, est comme l’arbre. Lorsque la tempête de vos émotions passe, vous ne devez pas rester dans le plus fort de la tempête, au niveau du cerveau ou de la poitrine. Si vous êtes submergé par de fortes émotions, ne restez pas là, c’est trop dangereux.

Ramenez votre attention à votre nombril, c’est le tronc, la partie la plus solide de vous-même, et pratiquez la respiration consciente. Prenez conscience du ventre qui se soulève et qui s’abaisse. Si vous faites cela dans une position stable, comme la position assise, vous vous sentez beaucoup mieux. Respirez simplement. Ne pensez à rien. Respirez en suivant le mouvement du ventre qui se gonfle et se dégonfle. Pratiquez cela dix ou quinze minutes, et votre forte émotion passera son chemin.

Les émotions ne sont que des émotions

La méditation a deux aspects : tout d’abord s’arrêter et calmer, et ensuite regarder profondément pour transformer. Quand vous avez suffisamment d’énergie de pleine conscience, vous pouvez regarder profondément dans n’importe quelle émotion pour découvrir quelle est sa vraie nature. En faisant cela, vous devenez capable de transformer l’émotion.

Bien sûr, les émotions ont des racines profondes en nous. Elles sont si fortes que nous pensons que nous ne pourrons pas survivre si nous les laissons s’exprimer. Alors nous les nions, nous les refoulons jusqu’à ce que, finalement, elles explosent et fassent du mal à nous-mêmes et aux autres.

Mais une émotion est juste une émotion. Elle vient, elle reste un moment, puis elle repart. Pourquoi devrions-nous nous faire du mal ou en faire aux autres simplement à cause d’une émotion ? Nous sommes tellement plus que nos émotions.

Si nous savons comment utiliser le regard profond, nous serons capables d’identifier et de déraciner les sources de nos émotions douloureuses. Le simple fait d’embrasser nos émotions peut déjà apporter un grand soulagement. Si, pendant le moment critique où l’émotion est là, nous savons comment et où prendre refuge, si nous sommes capables d’inspirer et expirer en portant notre attention sur le ventre qui se gonfle et se dégonfle durant quinze minutes, vingt minutes, voire même vingt-cinq minutes, alors la tempête va passer et nous verrons que nous pouvons survivre.

Lorsque nous réussissons à survivre à nos fortes émotions, nous faisons l’expérience d’une paix intérieure plus solide. Dès lors que nous possédons la pratique, nous n’avons plus peur. La prochaine fois qu’une émotion forte se manifestera, ce sera plus facile. Nous savons déjà que nous pouvons y survivre.

Si nous pouvons nous détendre lorsque nos émotions fortes surviennent, alors nous ne transmettrons pas la peur à nos enfants et aux générations à venir. Si nous restons avec notre peur, en la refoulant jusqu’à ce qu’elle explose, alors nous partageons cette peur avec les jeunes autour de nous, qui vont la consommer et la transmettre à leur tour.

Mais si nous savons comment gérer notre propre peur, nous deviendrons davantage capables d’aider nos bien-aimés et nos petits à gérer la leur. Nous pouvons rester avec eux et leur dire : « Chéri, inspire et expire avec moi. Sois attentif à ton ventre qui s’élève et s’abaisse. » S’ils vous voient faire cela, alors il y a des chances qu’ils vous écoutent. Parce que vous êtes là et que vous offrez votre énergie de pleine conscience et votre solidité, votre enfant ou votre partenaire sera capable de traverser les turbulences des émotions. Il saura qu’avec son bien-aimé à ses côtés il peut survivre aux émotions fortes.

Si vous offrez l’exemple d’une personne qui garde son calme face à la peur, si vous enseignez aux plus jeunes comment survivre à leurs propres tempêtes, vous leur transmettez une capacité très précieuse, qui peut même leur sauver la vie à l’avenir. »

Extrait du livre « La Peur » de Thich Nhat Hanh

Le courage du coeur de Jack Kornfield

Très souvent, ce qui nourrit le plus notre esprit, c’est ce qui nous amène face à face avec nos plus grandes limites et difficultés. Mon professeur Ajahn Chah a appelé cela « pratiquer contre le grain », ou « faire face à ses difficultés. » Chaque vie a des périodes et des situations de grande difficulté qui font appel à notre esprit. Parfois, nous sommes confrontés à la douleur ou à la maladie d’un enfant ou d’un parent que nous aimons beaucoup. Parfois, c’est une perte à laquelle nous faisons face dans la carrière ou les affaires. Parfois, c’est juste notre propre solitude ou confusion ou peur. Parfois, nous sommes obligés de vivre dans des circonstances douloureuses ou avec des gens difficiles. En cette période de pandémie, ces problèmes peuvent devenir plus intenses. Pourtant, dans ces difficultés même, nous pouvons apprendre la vraie force de notre pratique. En ces temps, la sagesse que nous avons cultivée et la profondeur de notre amour peuvent être nos principales ressources. Méditer, prier, pratiquer dans de tels moments, c’est comme verser du baume apaisant sur les courbatures de notre cœur. Les grandes forces de la cupidité, de la haine, de la peur et de l’ignorance que nous rencontrons peuvent être accueillis par le courage tout aussi grand de notre cœur.

La liberté naît de notre capacité à travailler avec toute l’énergie ou la difficulté qui se présente. C’est la liberté d’entrer sagement dans tous les royaumes de ce monde, les royaumes beaux et douloureux, les royaumes de la maladie et de la santé, les royaumes de la guerre et de la paix. Nous ne pouvons pas trouver la liberté dans un autre endroit ou à un autre moment, nous devons la trouver ici et maintenant dans cette même vie.

Souvent, nous ne voyons que deux possibilités pour régler nos problèmes.

1 – La première est de les supprimer et de les nier, d’essayer de remplir nos vies avec seulement la lumière, la beauté et les sentiments idéaux. À long terme, nous constatons que cela ne fonctionne pas, car ce que nous réprimons avec une partie de notre corps peut faire surface ailleurs. Si nous supprimons les pensées dans l’esprit, nous pourrions avoir des ulcères ; si nous nions les problèmes dans notre corps, notre esprit peut devenir agité ou rigide, rempli de peur.

2 – Une deuxième stratégie est le contraire, pour laisser sortir toutes nos réactions, en évacuant librement nos sentiments sur chaque situation. Cela devient aussi un problème, car si nous agissons sur tous les sentiments qui se posent, toutes nos aversions, opinions et agitations, nos réactions habituelles se développent jusqu’à ce qu’elles deviennent fatigantes, douloureuses, confuses, contradictoires, difficiles et finalement écrasantes. Que reste-t-il ?

3 – La troisième alternative est la puissance de notre cœur réveilleur et attentif. Nous pouvons faire face à ces forces, ces difficultés avec la conscience aimante.

La maturité que nous pouvons développer en approchant nos difficultés est illustrée par l’histoire traditionnelle d’un arbre empoisonné. En découvrant d’abord un arbre empoisonné, certaines personnes ne voient que son danger. Leur réaction immédiate est: « Réduisons cela avant que nous soyons blessés. Réduisons-le avant que quelqu’un d’autre ne mange les fruits empoisonnés. Cela ressemble à notre réponse initiale aux difficultés qui surgissent dans nos vies, lorsque nous rencontrons l’agression, la contrainte, la cupidité ou la peur, lorsque nous sommes confrontés au stress, à la perte, aux conflits, à la dépression ou à la tristesse en nous-mêmes et chez ceux qui y font face. Notre réponse initiale est de les éviter, en disant: « Ces poisons nous affligent. Déracinons-les; débarrassons-nous d’eux. Réduisons-les.

D’autres personnes, qui ont voyagé plus loin sur le chemin spirituel, découvrent cet arbre empoisonné et ne le rencontrent pas avec aversion. Ils ont compris que s’ouvrir à la vie exige une compassion profonde et sincère pour tous. Sachant que l’arbre empoisonné fait partie de nous, ils disent : « Ne le réduisons pas. Au lieu de cela, nous allons avoir de la compassion pour l’arbre ainsi. Donc, par bonté, ils construisent une clôture autour de l’arbre afin que d’autres ne soient pas empoisonnés et que l’arbre puisse aussi avoir sa vie. Cette deuxième approche montre un profond changement de relation entre le jugement et la peur et la compassion.

Un troisième type de personne, qui a voyagé encore plus profondément dans la vie spirituelle, voit ce même arbre. Cette personne, qui a gagné beaucoup de vision, regarde et dit: « Oh, un arbre empoisonné. Parfait! Exactement ce que je cherchais. Cet individu cueille le fruit empoisonné, étudie ses propriétés, le mélange avec d’autres ingrédients, et utilise le poison comme un grand médicament pour guérir les malades et transformer les maux du monde.

Comment pouvons-nous faire cela ? Nous pouvons développer les graines de la sagesse, de la paix et de la toute-unité dans chacune de nos difficultés. Nous pouvons faire de nos difficultés la place de notre pratique. Alors notre vie ne devient pas une lutte avec le succès et l’échec, mais une danse du cœur….C’est là que la paille devient filée dans l’or de l’amour !

MÉDITATION : RÉFLEXION SUR LA DIFFICULTÉ

Asseyez-vous tranquillement, sentir le rythme de votre respiration, vous permettant de devenir calme et réceptif. Alors pensez à une difficulté à affronter, que ce soit dans votre pratique spirituelle ou n’importe où dans votre vie. Lorsque vous détectez cette difficulté, prenez votre temps. Remarquez comment il affecte votre corps, comment il se sent dans le cœur, son énergie dans l’esprit. Sentant-le attentivement, commencez à vous poser quelques questions, en écoutant intérieurement leurs réponses.

Comment ai-je abordé cette difficulté jusqu’à présent ?

Comment ai-je souffert de ma propre réponse et de ma réaction ?

Qu’est-ce que ce problème me demande de lâcher ?

Quelle souffrance ici est inévitable, est-ce que ma mesure est d’accepter ?

Que se passe-t-il si j’apporte une tendre compassion à toutes les parties de cette difficulté ?

Quel courage me demande-t-on en réponse ?

Quelle grande leçon pourrait-il être en mesure de m’enseigner ?

Qu’est-ce que l’or, la valeur, caché dans cette situation ?

En utilisant cette réflexion pour tenir compte de vos difficultés, la compréhension et les ouvertures peuvent venir lentement. Prends ton temps. Comme pour toutes les méditations, il peut être utile de répéter cette réflexion un certain nombre de fois, en écoutant à chaque fois des réponses plus profondes de votre corps, cœur et esprit.

Extrait adapté de « A Path with Heart »

 

Les deux graines

Deux graines reposaient l’une à côté de l’autre dans une terre fertile au printemps. La première graine dit :«  Je veux grandir ! Je veux plonger mes racines profondément dans la terre et lancer ma tige haut dans les airs… Je veux voir mes bourgeons s’ouvrir comme des drapeaux annonçant l’arrivée du printemps. Je veux sentir le soleil réchauffer mon visage et la rosée matinale caresser mes pétales ! »

Et elle grandit, ses racines se frayant un chemin profond et sûr.

La deuxième graine, moins enthousiaste, dit :

« J’ai peur. Si je plonge mes racines dans la terre que je ne connais pas, je ne sais pas ce qui m’attend dans cette obscurité. Ma tige est tellement fragile, si j’essaie de percer la croûte de terre pour m’élever dans les airs, elle risque de se briser. Et si, à peine entrouverts, un ver venait à manger mes bourgeons ? Et si je montrais ma fleur, qui sait ? Un enfant pourrait m’arracher de terre. Non ! Il vaut beaucoup mieux attendre pour sortir qu’il n’y ait plus aucun danger. »

Et elle resta immobile, retenait sa croissance, elle attendit jusqu’à ce que des « signes » viennent lui faire changer d’avis.

Un oiseau qui passait par là, fouillant la terre en quête de nourriture, trouva la graine qui attendait et la dévora aussi rapidement.

Soyons cette graine désireuse de grandir et produire une belle fleur !

Quels que soient les événements qui surgissent dans notre vie,  nous sommes l’acteur de notre vie, ne la laissons pas dépendre de facteurs extérieurs. Vivons notre bonheur de l’intérieur !

 

Toucher la vie – Thich Nhat Hanh

« Si vous sentez en vous de l’irritation, de la dépression, du désespoir, reconnaissez leur présence et pratiquez ce mantra :

« Chéri, je suis là pour toi. »

Vous vous adressez à la dépression, ou à la colère comme à votre tendre bébé, vous l’embrassez tendrement, avec l’énergie de la pleine conscience, et répétez :

« Chéri, je sais que tu es là, je vais prendre soin de toi »,

comme quand vous prenez soin de votre bébé qui pleure.

Il n’y a pas de discrimination, pas de dualité, parce que la compassion, l’amour, c’est vous. Mais la colère aussi est vous ; tous les trois sont de nature organique. N’ayez pas peur, vous pouvez la transformer. Dans la pratique de la méditation, on ne se transforme pas en champ de bataille, le bien combattant le mal.

Le bien doit prendre soin du mal comme un grand frère prend soin de son petit frère, comme une grande soeur prend soin de sa petite soeur, avec beaucoup de tendresse, dans un esprit de non-dualité. Et sachant cela, il y a déjà beaucoup de paix en vous. La lutte est inutile, il n’y a pas besoin d’elle. C’est la vision de la non-dualité des choses qui arrêtera la guerre en vous. Peut-être avez-vous lutté, luttez-vous encore, mais cela est-il nécessaire ? Non, la lutte est inutile, arrêtez de lutter. »

 

 Extrait du livre « Toucher la vie » de Thich Nhat Hanh 

 

 

 

 

 

Les deux loups (Légende amérindienne)


Un homme âgé dit à son petit-fils, venu le voir très en colère contre un ami qui s’était montré injuste envers lui :


« Laisse-moi te raconter une histoire… Il m’arrive aussi, parfois, de ressentir de la haine contre ceux qui se conduisent mal et n’en éprouvent aucun regret. Mais la haine t’épuise, et ne blesse pas ton ennemi. C’est comme avaler du poison et désirer que ton ennemi en meure. J’ai souvent combattu ces sentiments »


Il continua :  « C’est comme si j’avais deux loups à l’intérieur de moi; le premier est bon et ne me fait aucun tort. Il vit en harmonie avec tout ce qui l’entoure et ne s’offense pas lorsqu’il n’y a pas lieu de s’offenser. Il combat uniquement lorsque c’est juste de le faire, et il le fait de manière juste. Mais l’autre loup, ahhhh…! Il est plein de colère. La plus petite chose le précipite dans des accès de rage. Il se bat contre n’importe qui, tout le temps, sans raison. Il n’est pas capable de penser parce que sa colère et sa haine sont immenses. Il est désespérément en colère, et pourtant sa colère ne change rien. Il est parfois si difficile de vivre avec ces deux loups à l’intérieur de moi, parce que tous deux veulent dominer mon esprit. »


Le garçon regarda attentivement son grand-père dans les yeux et demanda :  « Lequel des deux loups l’emporte, grand-père ? »


Le grand-père sourit et répondit doucement : « Celui que je nourris. »


Une légende amérindienne que l’on raconte le soir autour du Feu Sacré. 

Qu’est ce que la méditation ? selon Emmanuel CARRERE -extrait de son livre YOGA (24/09/20)

« Tout ce qui se passe pendant ce temps où on reste assis, immobile et silencieux, c’est la méditation. J’en ai souvent cherché une bonne définition – aussi juste, aussi simple, aussi englobante que possible -, et j’en ai trouvé plusieurs autres que je sortirai de mon sac au fil de ce récit, mais celle-ci me semble la meilleure pour commencer parce que c’est la plus concrète, la moins intimidante. Je répète : la méditation, c’est tout ce qui se passe en soi pendant le temps où on est assis, immobile, silencieux. L’ennui c’est la méditation. Les douleurs aux genoux, au dos, à la nuque, c’est la méditation. Les gargouillis dans le ventre, c’est la méditation. L’impression de perdre son temps à faire un truc de spiritualité bidon, c’est la méditation. Le coup de téléphone qu’on prépare mentalement et l’envie de se lever pour le passer, c’est la méditation. La résistance à cette envie, c’est la méditation – mais pas y céder, quand même.

C’est tout. Rien de plus. Tout ce qui est en plus est en trop. Si on fait ça régulièrement, vingt minutes, une demie-heure par jour, alors ce qui se passe pendant ce temps où on reste assis, immobile et silencieux, change. La posture change. La respiration change. Les pensées changent. Tout cela change parce que tout change, de toute façon, mais tout cela change aussi parce qu’on l’observe. On ne fait rien, en méditation, on ne doit surtout rien faire, sauf observer. On observe l’apparition des pensées, des émotions, des sensations dans le champ de la conscience. On observe leur disparition. On observe leurs pilotis, leurs points d’appui, leurs lignes de fuite. On observe leur passage. On n’y adhère pas, on ne les repousse pas. On suit le courant sans se laisser emporter. À force de faire ça, c’est la vie même qui change. On ne s’en rend pas compte, d’abord. On a la vague impression d’être au bord de quelque chose. Petit a petit, ça se précise. On se décolle un peu, un tout petit peu, de ce qu’on appelle « soi ». Un tout petit peu, c’est déjà beaucoup. C’est déjà énorme. Ça vaut la peine.

C’est un voyage. Au début de ce voyage, dit un poème zen, la montagne au loin a l’air d’une montagne. Au fil du voyage, la montagne ne cesse de changer d’aspect. On ne la reconnaît plus, c’est toute une fantasmagorie qui remplace la montagne, on ne sait plus du tout vers quoi on s’achemine. À la fin du voyage, c’est de nouveau la montagne, mais ça n’a rien à voir avec ce qu’on apercevait de loin il y a longtemps, quand on s’est mis en route. C’est vraiment la montagne. On la voit enfin. On est arrivé. On y est.

On y est. »

Extrait de « Yoga » d’Emmanuel Carrère.