Allier sagesse et business : la méditation, invitation à repenser son rôle dans la société – Sébastien HENRY

image S. HENRY

 

La méditation est bien plus qu’une méthode anti-stress permettant d’être plus performant dans son travail. Sébastien Henry, auteur de « Ces décideurs qui méditent et s’engagent. Un pont entre sagesse et business » (Dunod, 2014), explique en quoi c’est avant tout une pratique de sagesse qui invite à l’essentiel, et notamment à repenser son rôle dans la société et son engagement.

La méditation, aussi efficace que les antidépresseurs contre le stress ? (D.OXBERRY/SIPA)

 

La façon dont la méditation est perçue, notamment dans le monde des affaires, a évolué de façon spectaculaire au cours des dernières années.
Autrefois considérée comme une pratique abstraite, exclusivement religieuse et déconnectée des réalités du monde, elle est de plus en plus appréhendée comme ce qu’elle est vraiment.

 

Une pratique qui entre dans les moeurs

C’est à dire une pratique de sagesse, simple et profonde à la fois, qui peut être abordée de façon laïque et s’intègre parfaitement dans la vie quotidienne de ceux qui ont le goût de l’action. De plus en plus de dirigeants et managers osent désormais parler publiquement de leur pratique. La venue à Paris de Chade-Meng Tan, à l’origine du programme Search Inside Yourself chez Google, pour une conférence à la Bourse avec Matthieu Ricard, a représenté une étape importante.

 

Devenir plus performant

Il reste toutefois une incompréhension fondamentale à propos de la méditation : il s’agirait d’une pratique qui mènerait à un retrait du monde confortable mais égoïste. En méditant, on s’occuperait avant tout de son bien-être, en gérant habilement son niveau de stress.
Dans le cas des dirigeants ou managers d’une entreprise ou d’une équipe, on pourrait d’ailleurs poursuivre le “business as usual”, même dans le cas d’une activité contribuant à détruire la planète ou à exploiter les hommes. La méditation serait ainsi pour certains une pratique aidant un monde des affaires qui dysfonctionne à devenir plus performant (tout en étant moins stressé).

En tant qu’entrepreneur moi-même, j’avais ressenti que la pratique de la méditation avait une portée plus profonde.
Au cours de mes 10 années passées à diriger mon entreprise en Asie, je m’étais aperçu que mon regard sur le monde et mes priorités avaient peu à peu changé, notamment en m’invitant à rechercher un engagement plus fort au service des enjeux sociaux et environnementaux.
Ils méditent et s’engagent

Mais mon expérience n’était pas forcément représentative. C’est pour cela que j’ai cherché à entrer en contact avec d’autres décideurs qui ont une pratique régulière de la méditation.

Pour la préparation de mon nouveau livre, j’en ai ainsi rencontré plus de soixante au cours des deux dernières années, de 15 nationalités, dans 10 villes dans le monde. Parmi eux, des athées, des agnostiques, des chrétiens, des bouddhistes et des musulmans, du dirigeant de grand groupe au patron de PME en passant par des managers de tous niveaux hiérarchiques.
Ce que j’ai retiré de ces entretiens a (de très loin !) dépassé mes attentes et j’ai été impressionné par le parcours intérieur de chaque personne rencontrée.
Même chez celles qui avaient commencé leur pratique dans une optique de gestion du stress, je sentais un apaisement plus fondamental, né de l’effort régulier de revenir à l’essentiel, de prendre du recul, de créer en soi un espace de silence et de liberté dans lequel il n’y a rien à atteindre, rien à réussir.J’ai écouté les mots et observé les sourires.

Un retour à l’essentiel

J’ai aussi noté que, pour un grand nombre d’entre elles, a émergé peu à peu de leurs temps de silence intérieur une envie d’apporter une plus grande contribution au monde et de repositionner leur ego de décideur à sa juste place.

Au lieu de la logique du toujours plus (d’argent, de reconnaissance, de pouvoir), une immense envie de donner plus de sens à leur action et d’utiliser leurs compétences dans le monde du business pour prendre mieux soin des hommes et de la planète.

Alors, la méditation comme remède miracle aux contradictions du capitalisme ? C’est bien sûr plus compliqué que cela.
Toute pratique de la méditation ne se traduit pas par un engagement plus fort.

Bien d’autres pratiques de sagesse existent (notre héritage philosophique est aussi une source magnifique de sagesse, comme nous le rappellent Pierre Hadot dans “Exercices spirituels et philosophie antique” ou Fabrice Midal dans “La voie du chevalier”).

Mais plus le nombre de décideurs qui pratiquent ces temps réguliers de retour à l’essentiel sera grand, plus les chances d’atteindre un seuil critique de décideurs qui s’engagent authentiquement sera fort.

La méditation a fait ses preuves

Nous avons besoin collectivement d’un saut de conscience, en particulier le monde des affaires qui détient tant de pouvoir mais s’est largement coupé d’une sagesse qui nous a été transmise au cours des siècles.

La méditation n’est pas la seule composante du pont aujourd’hui nécessaire entre sagesse et business, mais c’est une pierre essentielle, solide, qui a fait ses preuves.