On critique parfois la recherche du bonheur au nom d’un risque de désengagement politique, pensant que le bonheur, c’est s’accommoder de la situation alors qu’il faudrait la changer. Comme s’il existait un antagonisme entre le politique et le psychologique : s’occuper de soi reviendrait à se désintéresser du monde qui nous entoure. Ces deux dimensions seraient-elles incompatibles ? Pour moi, c’est comme si on opposait inspirer et expirer !
En réalité, l’action psychologique n’empêche pas l’action politique. Il y a des moments dans la vie où il importe de résister, d’agir, de combattre, et d’autres où il faut lâcher prise, être dans l’acceptation, c’est-à-dire simplement accueillir ses émotions. Ce n’est pas démissionner, ni laisser faire, ni se soumettre, ni obéir.
Le lâcher prise, quand il est bien compris, c’est un programme en deux temps – accepter le réel et l’observer, puis agir pour le changer – qui permet de ne pas être dans la réaction dans l’impulsion guidées par l’émotion brute. C’est une antichambre de décontamination, où nous sondons, examinons les émotions dans un espace mental le plus vaste possible pour essayer de décider ce qu’il sera bon de faire, quel genre d’actions proches de nos valeurs, de nos attentes, nous pourrons engager. L’idée est de répondre à ce qui nous arrive avec notre esprit et notre cœur plutôt que réagir dans l’urgence de l’émotion. C’est une dictature de notre époque que de vouloir que les individus soient très réactifs, prennent des décisions importantes immédiatement, un peu comme quand les vendeurs essayent de nous arnaquer en disant : « Si vous ne le prenez pas maintenant, il n’y sera plus ce soir ou demain ! ». Notre monde essaye ainsi de nous arnaquer, en nous faisant croire que l’urgence est partout.
Le bonheur et la sérénité consistent notamment à refuser ces fausses urgences. Ce n’est pas une dérobade face au réel ; juste un outil de sagesse et de discernement. Je suis persuadé que, si les humains ne s’occupent pas de leur équilibre intérieur, s’ils le laissent en friche, ils vont non seulement souffrir davantage, mais être plus impulsifs, et aussi plus manipulables. Le travail sur notre intériorité, nous rend plus présents au monde. C’est ce qu’on appelle « l’intériorité citoyenne » : prendre soin de notre intériorité va faire de nous de meilleurs humains plus cohérents, plus respectueux, à l’écoute des autres, moins injustes. Nous sommes moins endoctrinables, plus libres. Et puis, la sérénité permet aussi de tenir la distance lors des combats que nous menons. Nous ne pouvons pas uniquement fonctionner à l’impulsion, à la colère, au ressentiment. Les grands leaders comme Mandela, Gandhi, Martin Luther King ont tous cherché à s’en extraire ; ils ont tous compris que l’impulsion conduit à la violence, à l’agressivité, à la souffrance. L’équilibre intérieur permet de garder intact notre capacité à nous indigner et à nous révolter, mais de la manière la plus efficace et adaptée que possible ».
POLITIQUE ET PSYCHOLOGIE – Extrait du livre « ET N’OUBLIE PAS D’ETRE HEUREUX » Abécédaire de psychologie positive, p 163 – 164, Christophe ANDRE